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Le son du grisli
22 mars 2014

The Deac C : Armed Courage (Ba Da Bing!, 2013)

the dead c armed courage

A cause de The Dead C, j’ai longtemps cru que le Triangle des Bermudes faisait son petit effet au large des côtes de la Nouvelle-Zélande. Un ami m’a depuis renseigné : « mais non, absolument pas ». C’était l’année dernière (déjà). A peu près à la même époque sortait Armed Courage.

Si j’ai encore quelques amis, c’est que je fais pas mal de concessions : d’accord, les Bermudes, c’est pas là. Mais alors comment expliquer, encore sur Armed (le premier morceau, un instrumental développé sur toute une face), le rideau de baguettes qui s’abat sur la carlingue, les effets de guitares qui font balancer le reste du fuselage et, tout à coup, ce paysage sauvage et âpre dans lequel il va falloir penser à atterrir… ?

De l’autre côté, on retrouve la voix de Michael Morley sur une musique que lui et ses comparses Bruce Russell et Robbie Yeats ont l’air de jouer chacun dans son coin. Mollasse, salasse, tout en surimpression, en un mot : à l’ancienne… jusqu’à ce que la batterie propulse Courage sur un collage de séquences sonores fabuleuses. Ba Da Bing!, c’est moi qui avais raison : les Bermudes, c’est dans l’hémisphère sud.

The Dead C : Armed Courage (Ba Da Bing! / Souffle Continu)
Edition : 2013.
CD : 01/ Armed 02/ Courage
Pierre Cécile © Le son du grisli

27 mars 2014

Burkhard Stangl : Unfinished. For William Turner, Painter (Touch, 2013)

burkhard stangl unfinished for william turner

Les épreuves sonores que Burkhard Stangl dédicace à William Turner – échos, voire répliques, de ses travaux non-finis : extraits de concerts et enregistrement studio confié à Fennesz – ne cachent pas longtemps leur attirance pour l’eau qui inspira souvent le peintre.

Les mouvements de la guitare électrique – médiator égrenant lentement les accords, volumes et rythmes changeants, sustains et trémolos, applications de notes sur de discrets field recordings ou enregistrements préparés – font bel effet sur les marines de Stangl. Non pas étale mais plutôt d’une huile patiemment remuée, son art rappelle (et, sur Unfinished – Mellow, s’inspire de) celui de Morton Feldman, lorsqu’il n’est pas attiré par la rumeur d’un navire qui croise au loin – à la barre, ce pourrait être Alan Licht ou Taku Sugimoto – et qui l’emmène dans des zones à sonder par la ritournelle.

Révélant là l’influence qu’exercèrent sur sa façon d’envisager sa musique la touche, la couleur et la lumière de William Turner, Burkhard Stangl démontre avec son modèle que la profondeur peut s’illustrer en surfaces, et même avec elles parfois ne plus faire qu’une.   

Burkhard Stangl : Unfinished. For William Turner, Painter (Touch / Souffle Continu)
Enregistrement : 2010-2013. Edition : 2013.
CD : 01/ Unifinished – Mellow / Unfinished – Waiting / Unfinished – Longing 02/ Unfinished – Sailing 03/ Unfinished – Ending
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

8 avril 2014

Michael Pisaro : black, white, red, green, blue (voyelles) (Winds Measure, 2014)

michael pisaro barry chabala black white red green blue voyelles

Le titre de ce disque double (trois rééditions différentes, au son amélioré, d’une cassette Winds Measure publiée en 2010) associe les noms, empruntés à Rimbaud, des deux compositions à y entendre : black, white, red, green, blue, de Michael Pisaro, interprétée par le guitariste Barry Chabala, et (voyelles), composition inspirée à Pisaro par ladite interprétation de Chabala.

Disposé à toutes discrétions, Chabala fait, sur le premier disque, œuvre de précision : coups légers régulièrement adressés à un unique accord, bends variant la hauteur de notes longues, pincements de deux à trois cordes changeantes, domptages de retours d’ampli et silences nombreux, sont les éléments qui régissent une succession de plan-séquences dont les couleurs nous empêchent de distinguer toutes figures – on trouvera ici la partition de Pisaro.

Régurgité, black, white, red, green, blue revient alors à Pisaro. Dans l’interprétation du guitariste, le compositeur trouve de quoi former d’autres paysages. Encore reconnaissable, l’instrument fait avec la compagnie de rumeurs nouvelles et assiste parfois à la naissance (latente) d’un léger larsen ou de grisailles éparses dans le sillage d’un accord qu’il avait suspendu. Plus sensible à l’illusion, la seconde composition impressionne mais ne saurait faire effet sans l’écho qui, en avance sur son temps, l’a précédé : cinq couleurs, origines qu’elle réinvente.

écoute le son du grisliBarry Chabala
black, white, red, green, blue (extrait)

écoute le son du grisliMichael Pisaro
(voyelles) (extrait)

Michael Pisaro : black, white, red, green, blue (voyelles) (Winds Measure)
Réédition : 2014.
CD / K7 : CD1 : 01/ black, white, red, green, blue – CD2 : 01/ (voyelles)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

9 avril 2014

Phil Minton, dieb13 : Im Pavillon (PanRec, 2013)

phil minton dieb13 im pavillon

La rencontre est courte – qui tient sur un mini-DVD – mais intense : concert de Phil Minton* et de dieb13, filmé le 7 novembre 2009 à l’Unlimited Festival de Wels par Pavel Borodin.

La caméra est mouvante et s’intéresse de près à ce que, dans les derniers rangs, on aura, à l’œil, eu du mal à saisir : rassemblement des forces et des pouvoirs du vocaliste, artifices et réflexes multiples du platiniste. Dans une respiration, puis un souffle, le duo trouve l’inspiration : de cris rentrés en irritations de sillon, d’interjections insensées en tremblements mécaniques, une première pièce va, une vingtaine de minutes durant, avec patience et intuition. Une seconde, nettement plus courte, donnera dans une exaltation autrement démonstrative.

En supplément, Borodin donne à voir quelques instants de balance et recueille des musiciens un paquet de phrases qu’humour et flegme se disputent. Autrement démonstratif, aussi, de l’intérêt à apporter à Im Pavillon.  

Phil Minton, Dieb13 : Im Pavillon (PanRec)
Enregistrement : 7 novembre 2009. Edition : 2013.
DVD : Im Pavillon
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

sonic protest 2014* Dans le cadre du festival Sonic Protest, Phil Minton donnera ce mercredi 9 avril à Paris, Cirque électrique, un solo entre L'oeillère et Albert Marcoeur & le Quatuor Béla

8 mars 2014

Anla Courtis, Aaron Moore : KPPB (Earbrook, 2014)

alan courtis aaron moore kppb

Après Brokeboxe Juke (élaboré par correspondance) et Courtis/Moore (enregistré en concert), la folie est la même qui (par correspondance encore) inspire Anla Courtis et Aaron Moore. Les contours de KPPB (King Pancreas et Punk Butter) n’en changent pas moins de ceux des deux références qui la précèdent.

C’est que cette folie inspirante tient au duo lieu de poésie, et que la poésie ne permet pas qu’on la répète. D’autant qu’ici, un millier d’instruments la traduisent à fin de collages hétéroclites. Guitares, saxophones, accordéon, violon, petites percussions et grands tambours... Tout œuvre à une « ambient in opposition » qui multiplie les efforts pour perdre son promeneur : expérimental minimaliste, boucles hallucinées, rengaines angoissées, expressionnisme pressant…

Certes, quelques flottements sur King Pancreas – absorbé par l’éther, le duo tente un air à la Wim Mertens ou boucle un temps des sonorités de peu – que Punk Butter relativise avec une morgue rare : bols en décalages et archets en perdition y introduisent une complainte captivante aux mouvements égaux. Un art musical de la situation et de son beau retournement…  

écoute le son du grisliAnla Courtis, Aaron Moore
KPPB (extraits)

Anla Courtis, Aaron Moore : KPPB (Earbook)
Edition : 2014.
CD : 01/ King Pancreas 02/ Punk Butter
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

aaron moore anla courtis

Anla Courtis et Aaron Moore entameront ce 10 mars une tournée en Europe. Pour la France et la Suisse, ils sont attendus à Montreuil, Marseille, Toulouse et Genève : Instants Chavirés le 13, GRIM le 14, Myrys le 15, Cave 12 le 16.

15 mars 2014

Robert Wyatt : '68 (Cuneiform, 2013)

robert wyatt 68

Quoi de quoi ? Jimi Hendrix (oui, le guitariste !) sur un disque de Robert Wyatt (oui, la Soft Machine !) ? L’enregistrement récemment exhumé daterait de 1968 (octobre-novembre pour les puristes), ce qui donnerait son nom à ce CD, présentement intitulé ‘68 ? C’est fou, la vie, y’a jamais de coïncidence…

La rencontre est toute courte (elle ne tiendrait pas dans la queue d’une fin de solo de Foxy Lady) mais a le mérite d’exister, d’autant qu’Hendrix (le guitariste, oui) y joue de la basse. Voilà pour l’anecdote de trois minutes et encore, du nom de Slow Walkin’ Talk. C’est la troisième piste du CD.

Ma première est un morceau signé Wyatt / Ayers pas loin du Procol Harum (Quoi de quoi ? Demis Roussos sur un disque de Robert Wyatt ?). Ma seconde est un alphabet polyglotte au baroque musicalement pauvre. Ma quatrième est musicalement pauvre mais encore plus longue. Mon tout est chiant comme les barricades racontées par tonton beurré, un gros cigare éteint qui pend aux lèvres. Pardon Robert, pardon Jimi.

Robert Wyatt : ’68 (Cuneiform / Orkhêstra International)
Edition : 2013.
CD : 01/ Chelsea 02/ Rivmic Melodies 03/ Slow Walkin’ Talk 04/ Moon in June
Pierre Cécile © Le son du grisli

25 avril 2014

Jason Kahn, Tim Olive : Two Sunrise (845 Audio, 2014)

jaso kahn tim olive 845 audio

Enregistrées en 2012 à Kyoto et Osaka : quatre pièces intrusives, remontées, bruitistes. Les deux premières rencontres de Jason Kahn et de Tim Olive – résumées ici à quatre plages – ne pouvaient être autrement.

Les échanges sont souvent musclés, qui commandent des bourdons que les musiciens se renvoient dans l’urgence – pressés davantage parfois par quelque soubresaut –, des graves à saturation, des parasites nourris via moteurs récalcitrants, des velléités passées en machines sonores…. Sur pickups, Olive peut aussi chercher ses sons en autiste quand Kahn répertorie dans son coin tous les bruits métalliques qu’il trouve et même invente : de fraises, de rouages, de scies… Au Japon, le soleil se leva deux fois sur la bande-son d’une fin de chantier particulier, parce qu’enthousiasmant.

écoute le son du grisliJason Kahn, Tim Olive
Two Sunrise

Jason Kahn, Tim Olive : Two Sunrise (845 Audio / Metamkine)
Enregistrement : 27 septembre (01-03) et 6 octobre 2012 (04). Edition : 2014.
CD : 01-04/ Two Sunrise
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

drums percussion

Jason Kahn sera, ce 26 avril à Nantes, de ce Drum & Percussion Madness!! qu’APO-33 organise sur trois jours. Au programme du week-end, trouver aussi : Burkhard Beins, Z’EV ou D’incise

30 avril 2014

Merzouga : 52°46’ North 13°29’ East (Gruenrekorder, 2013)

merzouga music for wax-cylinders

Eva Pöpplein (electronics) et Janko Hanushevsky (basse électrique préparée) forment Merzouga. Il y a peu, ils allèrent « piocher » dans le fond d’ethnomusicologie de la Berlin Phonogram Archive et, à l’automne 2012, donnèrent un concert en se servant de leurs découvertes.

Les fruits de l’expérience, étonnante, versent dans une ambient folkloriste ou des chants de la Terre de Feu, de Hongrie ou du Yemen (etc., of course), croisent l’électronique et la basse électrique dans un ballet qui mêle futur et traditions. Dommage tout de même qu’il faille forcément un vainqueur : car en effet c'est le futur qui finit par l'emporter, quand la basse parle trop et que l’électronique crépite avant d’oser une petite mélodie orientale d’une facilité… appauvrissante. Deux fois dommage.

Merzouga : 52°46’ North 13°29’ East – Music for Wax-Cylinders (Gruenrekorder)
Edition : 2013.
CD : Music for Wax-Cylinders : 52°46’ North 13°29’ East
Pierre Cécile © Le son du grisli

7 mai 2014

Peter Brötzmann, Steve Noble : I Am Here Where Are You (Trost, 2013)

peter brötzmann steve noble i am here where are you

La ballade que Peter Brötzmann s’autorisa au creux du concert qu’il donna avec Steve Noble à Bruxelles en janvier 2013 est une parenthèse et une respiration. Partout ailleurs, non pas sous l’influence de Noble mais parfois remotivé par son effervescence, il agite, voire étrangle, son instrument (saxophones alto ou ténor, clarinette ou tarogato) comme s’il lui fallait dire à la fois pour lui-même et pour un John Edwards absent (…the worse the better).

Avec la même urgence, Brötzmann et Noble déboîtent donc, attrapent dans leur course un premier hymne, le font tourner pour l’enrichir, le posent et le finissent sur leur métier commun. Passé au tarogato, Brötzmann gagne des aigus qui rendent Noble exotique – d’un exotisme renfrogné, toutefois. De quoi retourner plusieurs fois les Ateliers Claus, à Bruxelles, par où la tornade a passé.  

Peter Brötzmann, Steve Noble : I Am Here Where Are You (Trost)
Enregistrement : 19 janvier 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ I Am Here Where Are You 02/ If Find Is Found 03/ Mouth on Moth 04/ No Basis 05/ A Skin Falls Off
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

26 juin 2006

Active Ingredients: Titration (Delmark - 2004)

titrationPour s’être installé à New York, le batteur Chad Taylor aura dû trouver d’autres partenaires que ceux du Chicago Underground avec lequel il avait l’habitude de jouer. Chose rapidement faite, si l’on en croit Titration, premier album du quartette Active Ingredients, au sein duquel Taylor côtoie le saxophoniste Jemeel Moondoc, le tromboniste Steve Swell et le contrebassiste Tom Abbs.

Destinant d’abord un hommage appuyé au contrebassiste sud africain Johnny Dyani, le quartet dresse un jazz proche de ceux de l’Art Ensemble ou d’Ernest Dawkins, rehaussé encore par l’entente de l’alto de Moondoc et du cornet de l’invité spécial Rob Mazurek (Song For Dyani). Elans fantasques que l’on retrouvera sur Modern Mythology - pièce sur laquelle un pattern de contrebasse scelle l’entrelacs harmonieux des vents – ou Slate, où Moondoc instaure une transe latine auprès des nappes de trombone.

Les échappées individuelles, remarquables ailleurs : sur les pièces plus déconstruites que sont Velocity (qui prendra l’allure d’une marche dévolue toute à l’unisson) et Absence. Sur Titration, aussi, où le saxophoniste fomente seul un free plus qu’inspiré, et Dependent Origination, pendant lequel Taylor déploiera un solo long et plus qu’inspiré. Réjouissant et habile, Active Ingredients tire profit d’influences choisies, qu’il sert au moyen d’une décontraction subtile. Ajouter à l’ensemble la production claire propre au Chicago Underground, et Titration aura déjà beaucoup pour convaincre du fait qu’une suite est à envisager.

CD: 01/ Song for Dyani 02/ Velocity 03/ Slate 04/ Visual Industries 05/ Modern Mythology 06/ Absence 07/ Titration 08/ Dependent Origination 09/ Other People’s Problems >>> Active Ingredients - Titration - 2004 - Delmark.

9 juin 2009

Peaches : I Feel Cream (XL, 2009)

Ifeelsli

En 2001, la Canadienne Peaches (Merrill Nisker, pour l’état-civil) a fait une entrée fracassante dans le grand rock’n’roll circus avec son premier album, The Teaches Of Peaches, paru sur le label berlinois Kitty-Yo. Truffé de pépites abrasives aux paroles (s)explicites, ce disque parfumé à la dynamite s’est répandu comme une traînée de poudre, s’imposant comme un classique instantané et propulsant la demoiselle à la proue du (pétaradant) courant electro-clash. Incarnation ultime de la femme fatale, Peaches combine la hargne revendicatrice des riot grrrls avec les tenues (et les poses) provocatrices d’une Madonna – un mélange haut en couleurs dont les effets deviennent franchement dévastateurs lorsque la demoiselle, mi-vamp mi-catcheuse, se produit sur scène : attention, chaud devant !

Enchaînant disques et concerts sans faiblir, tout en s’offrant de petites incartades bien senties (notamment sur le We don’t play guitars des Chicks On Speed), Peaches a maintenu ferme son emprise, à tel point que, au moment de la sortie de son troisième album (Impeach My Bush, 2006) le magazine anglais Diva l’a fort judicieusement qualifiée de « bisexual queen of dirty electro-cool » – titre autrement plus enviable que celui de reine d’Angleterre…

Ce n’est certes pas avec I Feel Cream que ce titre risque de lui échapper. Aucune révolution de palais n’accompagne ce quatrième album, tout au long duquel Peaches, égale à elle-même, se jette à plaisir dans le stupre. Armée d’une boîte à rythmes, d’un micro et d’un culot à tout casser, cette bondissante fille indigne de Joan Jett nous assène une douzaine de bombinettes pleines de sueur, de speed et de paillettes. Que Simian Mobile Disco, Digitalism ou encore Soulwax aient participé à l’enregistrement d’I Feel Cream n’a guère d’importance : nous savons qui mène la danse – et la mène rudement bien. Parmi ceux qui s’aventureront dans ce disque aux airs de cabaret déglingué, certains ne manqueront sans doute pas de chipoter, trouvant que Merrill en fait décidément un peu trop. Et alors ? N’est-ce pas précisément pour ça qu’on l’aime ? Parce que, tou(te)s (g)riff(e)s dehors, elle n’a jamais peur d’en faire trop ?

Peaches : I Feel Cream (XL / Beggars)
Edition : 2009.
CD : 01/ Serpentine 02/ Talk to Me 03/ Lose You 04/ More 05/ Billionaire 06/ I Feel Cream 07/ Trick or Treat 08/ Show Stopper 09/ Mommy Complex 10/ Mud 11/ Relax 12/ Take You Out
Jérôme Provençal © Le son du grisli

9 juin 2009

Kenneth Kirschner : Filaments & Voids (12K, 2009)

Filamentsli

Complexes et mystérieux, les rapports qui sous-tendent la musique et le silence qui lui succède peuvent donner lieu à de multiples interprétations. Dans quelle mesure l’absence de musique marque-t-elle la fin d’une œuvre musicale ? Le silence est-il un mysticisme ou un néant ? David Tudor, interprète magistral de John Cage, l’avait bien compris, le silence en musique ne l’est jamais totalement. Quand il (non-)jouait la célèbre 4’33, les instants séparant l’ouverture et la fermeture du couvercle de son piano lui faisait entendre les bruits du public, tout comme Cage lui-même prétendait que le silence absolu n’existait pas.

Pour son retour sur le label 12K, le compositeur électro-acoustique Kenneth Kirschner inscrit son œuvre quelque part entre une electronica ambient d’une magnifique pureté post-Ligeti (Les Filaments) et un continuum cagien (Les Voids). Entre composition moderne et drones numérisés, chaque mini-séquence est suivie d’un silence de quelques secondes, le procédé étant répété à de multiples reprises à l’intérieur même de chaque plage (quatre au total sur ce double disque compact). Absolument remarquables de synthèse métaphysique, elle va bien au-delà de l’apparente froideur intellectuelle du projet, les quatre œuvres du musicien de Brooklyn s’inscrivent complètement dans la logique cosmique d’un Murcof (ou d’un Stanley Kubrick en mode 2001, Odyssée de l’Espace), les spectaculaires effets planants en moins, les insondables mystères interplanétaires en plus. Ce silence de l’infini, toujours lui.

Kenneth Kirschner : Filaments & Voids (12K / Metamkine)
Enregistrement : 1996-2008. Edition : 2009.
CD 1 : 01/ October 19, 2006 02/ September 11, 1996 03/ June 10, 2008 - CD 2 : 01/ March 16, 2006

Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli

Kenneth Kirschner déjà sur grisli
Three Compositions (SIRR - 2006)
Post_Piano 2 (12K - 2005)

19 juin 2006

Nom Tom: Nom Tom (Spring Garden - 2005)

springrisli

Depuis la fin des années 1970, le saxophoniste Jack Wright fait montre d’un jusqu’auboutisme désinvolte concernant sa manière d’aborder l’improvisation. Pourfendeur de gestes inhabituels, il a aussi bien œuvré aux côtés de John Butcher, William Parker ou Michel Doneda, qu’initié des groupes plus confidentiels, pour peu qu’ils puissent espérer tenir de la combinaison heureuse.

C’est dans cette catégorie que pourrait être rangé Nom Tom, trio que Wright forme aux côtés de la vocaliste Carol Genetti et du percussionniste Jon Mueller. Sur cet enregistrement concert daté de 2004, les musiciens tissent deux pièces expérimentales tenant donc de l’inédit. Investissant le domaine du non dit, d’abord, au son de l’imbrication des incartades free du saxophoniste, des murmures, souffles et expirations de Genetti, et des accents enthousiastes que dispense la caisse claire. Phrases lyriques refoulées et virulence en sourdine sont de mise, avant que le batteur décide d’accélérer le propos discursif pour mieux couper court aux gémissements et autres souffles prônant l’impureté.

Alors, les trois intervenants envahissent l’espace plus concrètement, les notes se font plus claires, partout – saxophone et voix. L’amalgame, plus efficace, pas à l’abri, pourtant, d’une rechute soudaine. Proche du râle apaisant du digeridoo, la voix de Genetti ira convaincre le trio d’en rester là. Après avoir expérimenté et réfléchi tout à la fois.

CD: 01/ 01 02/ 02 >>> Nom Tom - Nom Tom - 2005 - Spring Garden Music.   

10 juillet 2009

Qwat Neum Sixx : Live at Festival NPAI 2007 (Amor Fati, 2009)

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Des quelques formations regroupées ces dernières années autour de Daunik Lazro (ici au seul saxophone baryton), je chéris particulièrement ses Aérolithes (avec Doneda, Nick et Hoevenaers, disque sur le label Vand’œuvre) et le présent quatuor – à la première apparition publique duquel j’ai assisté à La Malterie lilloise en janvier 2007 – que complètent Sophie Agnel (piano), Michael Nick (violons) et Jérôme Noetinger (dispositif électroacoustique), soit déjà tout un réseau de connaissances et d’affinités connexes.

Enregistrée sur scène en juillet de la même année, au festival NPAI, cette suite de quarante-cinq minutes se déploie, fleur de thé au goût ferreux et narcotique, dans un atelier d’industrie onirique : travailleurs du son, fondeurs de fractales, chacun est à sa tâche, sans obstruction, œuvrant à une subtile propulsion, chargeant l’établi puis l’allégeant. Ça fritte, ça frotte, ça tresse et éparpille ; baryton à hélices & tuyères, archet projetant ses rais de limaille ; Noetinger trame, zippe, déchire tandis qu’Agnel, au piano « intégral », câble et file et tisse. Exigeant, superbe.

Quatuor Qwat Neum Sixx : Live at Festival NPAI 2007 (Amor Fati / Metamkine)
Enregistrement : 2007. Edition : 2009.
CD : 01-05/ Live at NPAI 2007
Guillaume Tarche © Le son du grisli

15 juillet 2009

Lee Ranaldo, Leah Singer : We’ll Know Where When We Get There (Cneai, 2009)

wellknowwherewhenwegetgrisli

Catalogue de l’exposition du même nom – présentée au Cneai de Chatou jusqu’en mai dernier – transposé sur vinyle et sous pochette soignée, We’ll Know Where When We Get There donne une nouvelle preuve concrète de la collaboration durable de Lee Ranaldo et Leah Singer

Imbriqués, morceaux d’ambiances datant de résidences déjà effectuées par le duo au même endroit et performances décidées pour le seul bien de l’objet en présence (plus tôt bande-son d’un vernissage rare et diffusion de l’Atelier de création radiophonique) condensent sur deux faces toute l’intensité d’un discours intéressé autant par la musique que par l’écrit et l’image. Scansion évasive, la pièce convoque field recordings et râles de cordes lâches de guitare, déliquescences électriques et inventaires polyglottes, et puis, pour lier l’ensemble : éléments de perturbation essentiels à la perte de repères. A domicile maintenant, l’auditeur arrive au bout du sillon, peu après Lee Ranaldo et Leah Singer. Qui ne cherchaient donc pas à le perdre, mais à tester une autre fois sa confiance avant de l’enivrer.

Lee Ranaldo, Leah Singer : We’ll Know Where When We Get There (Cneai)
LP : We’ll Know Where When We Get There
Enregistrement : Edition : 2009.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

Archives Lee Ranaldo

28 juin 2009

Greg Goodman : The Construction of Ruins (The Break Doctor, 1982)

greggoodsli

I drew inspiration from Greg Goodman's 1982 recording The Construction of Ruins (the Australian Site), especially his solo piano improvisation The Nullabor is Not Flat, where the strings of the piano were loaded up with 2 Emu  beer cans, 7 cardboard coasters, 2 bars railway soap, 1 time and location schedule, 1 packet railway coffee, and much, much more... All gathered from Goodman’s four day journey on the Indian Pacific from Sydney to Perth. The Construction Site was Berkeley, San Francisco and Perth. See.

Greg Goodman : The Construction of Ruins (The Break Doctor)
Enregistrement : 1982. Edition : 1982.
LP : A01/ The Nullarbar is Not Flat: Goodman B01/ U-DAG: Goodman, Rose B02/ Dingos In Quest: Goodman, Kaiser, Rose B03/ Notes: Goodman
Ross Bolleter © Le son du grisli.

bolleterPianiste australien, cofondateur du WARPS, Ross Bolleter s'attache à faire sonner encore pianos en ruines ou soumis aux intempéries. Secret Sandhills and Satellites, rétrospective de son oeuvre, a été édité en 2006 par Emanem.

4 juillet 2009

Sophie Agnel : Capsizing Moments (Emanem, 2009)

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Aux Instants chavirés, Sophie Agnel donnait seule en novembre 2008 une improvisation en trois parties aujourd’hui consignée sur Capsizing Moments : l’enregistrement n’a pas été retouché par la suite, précisent les notes de pochette.

C’est que le piano préparé d’Agnel – aux possibilités sonores étendues au contact d’objets du quotidien – exagère quant il s’agit de tourner le do(s) à sa nature classique : transformé en machine à sons trahissant chez la pianiste un certain goût de l’ombre, l’instrument chancèle sous les effets d’un lyrisme noir et des effets du hasard musical.

Alors, lorsque les vagues tempétueuses ne l’emportent pas tout à fait, l’allure laisse se bousculer craquements et crissements des cordes, clusters à distance et bribes d’arpèges frénétiques, n’en finit plus d’être altérée de mille façons sans qu’aucune minauderie ne vienne alourdir la démonstration. Sous les doigts et les coups de Sophie Agnel, le piano rend son âme vertueuse et vagabonde parmi des collines de débris charmants : charges voraces mises au service d’une esthétique de la dislocation, morceaux d’emportement dont le comble est l’éclat.

Sophie Agnel : Capsizing Moments (Emanem / Orkhêstra International)
Enregistrement : 14 novembre 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Part 1 02/ Part 2 03/ Part 3
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

25 septembre 2009

Alan Sondheim, Myk Freedman : Julu Twine (Porter Records, 2009)

Julugrisli

Poète, performer, vidéaste, multi instrumentiste, Alan Sondheim n’a pas encore vingt ans en 1967 quand il enregistre Ritual-All-70-7 pour le label ESP, disque OVNI par excellence. Aujourd’hui, en duo avec le guitariste Myk Freedman et quarante ans après, il remet le couvert d’une musique toujours aussi désarticulée.

Puisant dans on ne sait quelle improbable americana malade et désemparée, ils provoquent l’aléatoire et l’argumentent à toutes les sauces : avant-folk, psychédélisme appuyé, improvisation radicale. Guitare, cithare et banjo pour Sondheim, steel guitare pour Freedman (une steel guitare aux saillies hybrides, parfois proche du theremin) ; les arpèges se croisent et s’entêtent, inachevés et filandreux. Libérés d’une académie qu’ils semblent n’avoir jamais croisée, ils avancent, s’amusent et enfouissent de bien singulières pépites. Seront-elles aussi surprenantes  dans une trentaine d’années ?


Alan Sondheim, Myk Freedman, Track F. Courtesy of Porter Records.


Alan Sondheim, Myk Freedman, Track A. Courtesy of Porter Records.

Alan Sondheim, Myk Freedman : Julu Twine (Porter Records / Orkhêstra International)
Edition : 2009
CD : 01/ Track A 02/ Track G 03/ Track in Banjo Solo 04/ Track B 05/ Track M Lap Steel Solo 06/ Track C 07/ Track D 08/ Track E 09/ Track I Di Giorgio Classical Guitar Solo 1  10/ Track K 11/ Track H 12/ Track J Di Giorgio Classical Guitar Solo 2 13/ Track F
Luc Bouquet © Le son du grisli

30 septembre 2009

Gino Robair, Birgit Ulher : Blips and Ifs (Rastascan, 2009)

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2009 is undoubtedly a productive year for trumpeter Birgit Ulher and her unconventional artistic path. Three excellent works released so far : Radio Silence No More (solo album on Olof Bright label) Yclept (with Ariel Shibolet, Adi Snir, Roni Brenner, Michel Mayer, Damon Smith, on Balance Point Acoustics) and this duo with Gino Robair (on his own label, Rastascan).

The CD cover summarizes its contents... Signs on the wall, the same signs and scratches which Blips and Ifs contains :  extremely radical improv here, Robair and Ulher renew the collaboration undertaken four years ago and confirm, with the second episode after Sputter (Creative Sources, 2005), their perfect complicity and communion of intents. Purposes fulfilled through seven segments provided by a symmetrical structure : liner notes indicate that Robair plays « voltage made audible » and Birgit also recurs to mutes and radio speakers. The first one takes care to turn analog sources made available via synthesizers into captivating, mesmeric sounds, the second pastes sinewaves and other electronic treatments on alteration stages of her instrument.

The resulting feedback is essentially delicate, passages are rarely a bit more tempestuous, a whispered conversation whose dialogues often overlap and produce interesting composite outputs. Birgit’s playing methods melt into other effects inserted, or, at times, trumpet interventions alternate to spread manipulations, but, however, exchanges between the two musicians are wisely thoughtful, in order to keep uniform the whole recording, which, furthermore, gives continuity to the tracks. A new successful, profitable, creative joint effort, as expected.


Gino Robair, Birgit Ulher, Forty Seven. Courtesy of Rastascan.

Gino Robair, Birgit Ulher : Blips and Ifs (Rastascan)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Forty Seven 02/ Glorp 03/ Five Eleven 04/ Yellow with Antenna 05/ Blips and Ifs 06/ Other Blue 07/ Rings Another Rust
Giuseppe Angelucci © Le son du grisli

29 octobre 2009

Vanessa Rossetto : Dogs in English Porcelain (Music Appreciation, 2009)

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Peintre et musicienne américaine, Vanessa Rossetto déploie sur Dogs in English Porcelain un paysage en perpétuelle évolution, soumis à différents éléments : field recordings, manipulations d’objets ou d’instruments (à cordes, le plus souvent), usages électroniques.

Une plage unique transforme ici les bruits du quotidien en paysages insensés dans lesquels l’indécision d’un archet croise des souffles grandioses et le sifflement d’oiseaux en cage disparaît en mécaniques trop concrètes. Oscillations, larsens, bourdons, résonnances, bruits de frottements et rumeurs timides finissent de peupler l’espace : champ d’expérimentations diverses que Vanessa Rossetto investit avec une perversité raffinée.

Vanessa Rossetto : Dogs in English Porcelain (Music Appreciation)
Edition : 2009.
CD : 01/ Dogs in English Porcelain
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

4 novembre 2009

Tyshawn Sorey : That / Not (Firehouse 12, 2007)

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Merci au jeune guitariste turco-suisse Yaman Palak de m'avoir fait découvrir ce joyau new-yorkais. Le percussionniste Tyshawn Sorey transmue les sons de la batterie, du piano, du trombone et de la basse, dans un miroir des plus poétiques. Sur le double disque That / Not, la réflexion se situe dans cette région imperceptible qui existe entre “différence” et “similarité”. La question y est le “pourquoi” et le “comment”.

Merci pour la clairvoyance de ces 43 minutes de Permutations for Piano Solo sur cet album enregistré en 2007. La particularité d’une réflexion des plus concentrées et lucides repose dans mon rayonnage de souffles éthérés, où l’on trouve aussi les couleurs de For Bunita Marcus, les blanches vibrations d’Alvin Lucier et les îles imaginaires d’Anthony Braxton.

Tyshawn Sorey : That / Not (Firehouse 12)
Edition : 2007.
CD1 : 01/ Leveled 02/ Template I 03/ Sympathy 04/ Permutations For Solo Piano 05/ Seven Pieces Fo Trombone Quartet 06/ Template II 07/ That/Not Songs - CD2 : 01/ Sacred and Profane 02/ Template III 03/ Four Duos 04/ Cell Block 05/ That's a Blues, Right? 06/ Template IV 07/ Commentary
Hildegard Kleeb © Le son du grisli

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Hildegard Kleeb est pianiste. Interprète de Morton Feldman, Alvin Lucier, Maria de Alvear ou encore Anthony Braxton, elle donnait récemment sur World News sa lecture de thèmes signés Peter Hansen.

13 novembre 2009

Colin McLean, Andy Moor : Everything But The Beginning (Unsounds, 2009)

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Anciens partenaires au sein de Dog Faced Hermans, Andy Moor (guitare) et Colin McLean (électronique) improvisaient récemment et régulièrement à Amsterdam auprès de danseurs. Expériences de trois années aujourd’hui résumée sur Everything But The Beginning

De pièces d’un rock bruitiste en illustrations sonores déconstruites, le duo passe ici – c'est-à-dire sur un objet qui ne rend de la chose que le résultat musical – avec plus ou moins d’à-propos. Radicaux dès l’ouverture, Moor et McLean installent une pièce aux velléités magnifiques : le premier travaillant par accumulations de phrases revêches sur le décorum sombre élevé par le second.

Par la suite, le propos se fait saillant d’autres fois (Everything But The Beginning sur répétitions et parasites, The Flower of Fixed Ideas, Waiting for the Angels) quand il ne perd pas en signification : lorsque McLean impose des rythmiques écrasantes à Boats Float on Water et My Electric Dreams – histoire, peut-être, de rassurer les danseurs en présence – ou que le duo se contente de filer une musique expérimentale d’une naïveté stérile (hymne sous brouillage radio et voix minuscules mises en boucle de Cokakeekakaacokakakeeka). Heureusement, reviennent à distance les distorsions : sur le balancement de Rapid Ear Movement, qui emportent presque tout espoir de nouvelles danses possibles.


Colin McLean, Andy Moor, Rapid Ear Movement . Courtesy of Unsounds.

Colin McLean, Andy Moor : Everything But The Beginning (Unsounds / Metamkine)
Edition : 2009.
CD : 01/ Delta Block 02/ Everything But The Beginning 03/ Boats Float on Water 04/ Cokakeekakaacokakakeeka 05/ Rapid Ear Movement 06/ My Electric Dreams 07/ Overdose of Everyday 08/ The Flower of Fixed Ideas 09/ Mingiede 10/ Waiting for the Angels
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
 

11 décembre 2009

Calling Signals : From Café Oto (Loose Torque, 2009)

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Enregistré l’année dernière à Londres, From Café Oto documente la progression de Calling Signals, groupe fondé par le contrebassiste Nick Stephens et Frode Gjerstad en 1994 et qui a accueilli depuis Paul Rutherford, Louis Moholo ou encore Hasse Poulsen.

L’année dernière, Lol Coxhill au soprano et Paal Nilssen-Love à la batterie prenaient à leur tour place aux côtés de Stephens et Gjerstad. En guise d’échauffement, onze minutes d’une déconstruction concentrée et toujours intense sur laquelle Stephens incite de ses graves le soprano, l’alto ou la clarinette basse, à en découdre.

Pendant près de trois quarts d’heure, le quartette met ensuite en lumière une clarinette hallucinée puis les tensions du duo Stephens / Nilssen-Love. Au soprano, Gjerstad profite alors d’une allure renforcée pour confectionner en autiste des guirlandes d’oiseaux querelleurs qu’il abandonnera pour rejoindre Coxhill et apposer avec lui des notes que l’un et l’autre voudront plus longues, comme pour panser les séquelles de leur collaboration effervescente au sein de ce Calling Signals là (08), à la hauteur des incarnations à l'avoir précédé.

Calling Signals : From Café Oto (Loose Torque)
Enregistrement : 15 décembre 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Communication One 02/ Communication 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

22 décembre 2009

Tony Malaby : Valadores (Clean Feed, 2009)

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On reconnaîtrait le lyrisme de Tony Malaby entre mille autres.  Le sien est dru, compact et si peu encombrant qu’il laisse tout loisir à ses partenaires pour construire et échafauder de larges battisses ; solides et massives masures aux harmonies cendrées.

Voladores s’inspire d’une troupe de musiciens-acrobates qui ont marqué le saxophoniste pendant son enfance à Tucson. On y trouve ici une liberté à fleur de peau, une légèreté qui évacue d’un trait d’anche toute velléité de frénésie et de totalitarisme. C’est un jeu d’équilibre et d’écoute magnifiquement guidé par la présence de deux batteurs (Tom Rainey et John Hollenbeck) en totale symbiose. Aucune surcharge mais un souci constant d’éviter l’addition de frappes lourdes et appuyées. De ce côté-ci : une totale réussite.

Voladores est le septième disque en qualité de leader de Tony Malaby et c’est sans doute celui qui le réconciliera avec ses rares détracteurs. C’est un disque de profonde et sereine plénitude. Ni plus, ni moins.


Tony Malaby, Old Smokey. Courtesy of Orkhêstra International.

Tony Malaby’s Apparitions : Valadores (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2009. Edition : 2009
CD : 01/ Homogenous Emotions 02/ Old Smokey 03/ Dreamy Drunk 04/ Can’t Sleep 05/ Sour Diesel 06/ Los Voladores 07/ Are You Sure? 08/ Yessssss 09/ Wake Up, Smell the Sumatra 10/ East Bay 11/ Lilas
Luc Bouquet © Le son du grisli

31 décembre 2009

Musica Viva Festival 2008 (Neos, 2009)

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Incontournable festival de musique contemporaine se tenant à Lisbonne, Musica Viva voit aujourd’hui consacré en coffret sa dernière édition. Six disques reviennent ainsi sur un programme qui relève autant de la perspicacité que de l’invention.

Sur le premier de ceux-là, l’interprétation de Mixtur 2003, pièce électroacoustique de Karlheinz Stockhausen qui confronte orchestre et machines (générateurs d’ondes sinusoïdales, mixeurs, modulateurs). Subtilement, ces dernières s’emparent du discours acoustique, le transforme et impose à l’orchestre de faire avec son œuvre transfigurée. Autres incontournables du genre, Iannis Xenakis et Giacinto Scelsi : le premier évoqué au son d’Antikhton, composition au centre de gravité perdu à force de céder aux mouvements insatiables des cordes ; le second célébré le temps d’Uaxuctum, œuvre sombre tirée d’une légende maya aux allures de vaisseau fantôme moderne, dont le transport est fait de dérives imperceptibles.

La force de Musica Viva, de compter aussi sur l’intérêt que porte le festival aux créations du jour : d’autres cordes égarées sur les boucles intransigeantes du Pilgerfahrten de Chaya Czernowin ; mise au jour d’un appareil ancien (l’armonica, sur une pièce du même nom) par le jeune Jörg Widmann, qui s’amuse des limites de l’instrument avant de le jeter en pâture aux musiciens de l’orchestre.

Un lot d’autres pièces encore – quelques fois moins convaincantes, à l’image de cette symphonie de Karl Amadeus Hartmann –, se raccrochent au wagon d’un contemporain d’atmosphères et d’inquiétudes, et puis le dernier disque revient sur les prestations de l’Ensemble Sheikh Ahmad Tuni et du Trio Chemirani : chants soufis ou percussions iraniennes qui concluent dans l’exaltation la haute rétrospective. 

Musica Viva Festival 2008 (Neos / Codaex)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009.
CD1 : Karlheinz Stockhausen, Mixtur 2003 - CD2 : Karl Amadeus Hartmann, Symphonie L'oeuvre ; Aribert Reimann, Cantus ; Jorg Widmann, Armonica ; Matthias Pintscher, Herodiade-Fragmente - CD3 : Iannis Xenakis, Antikhthon ; James Dillon, La Navette ; Beat Furrer, Konzert Fur Klavier Und Orchester ; Giacinto Scelsi, Uzxuctum - CD4 : Chaya Czernowin, Pilgergahrten - CD5 : Kaija Saariaho, Vent Nocturne ; Liza Lim, Ochred String ; Rebecca Saunders, Blue and Gray ; Adriana Holszky, Countdown - CD6 : Traditional Music from Egypt and Persia
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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