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Le son du grisli
13 février 2014

Luís Lopes : Noise Solo at ZDB Lisbon (Luís Lopes, 2013)

luis lopes noise solo at zdb lisbon

Hendrix redescendu sur terre trouverait sans doute quelque vif intérêt à ce vinyle de guitare saturante. Il constaterait avec amusement que les vieux vinyles noirs résistent corps et sillons au ridicule CD.  Et même qu’il embaucherait sur le champ Luís Lopes, ce guitariste riche en sustain et en distorsion.

L’exercice a été profitable, penserait-il alors : « Django et moi avons ouvert la voie. On m’a aussi parlé d’un certain Derek B. Il va falloir que je me mette à la page. Cet étonnant Lopes me renseignera sans nul doute ». Voilà ce que penserait Hendrix aujourd’hui. Il se délecterait de ces sons sales, contrariés, contrariants. Il écouterait ce sustain se fracasser contre des grillages rouillés. Il comprendrait ce schéma évolutif partant d’un drone (un mot nouveau pour lui) pour s’en aller enchâsser des chaos extrêmes. Il mettrait quelques minutes à interpréter les silences et les impacts soniques (encore un vocable à découvrir) du début de la face B. Puis, ravi des frappes fatales qui ne cesseront de s’affronter par la suite, il téléphonerait à son manager pour lui proposer un duo avec cet allumé lusitanien. Mais se demanderait aussi le pourquoi de toute cette hargne-violence, de toute cette colère. D’autres Vietnam sans doute…

Luís Lopes : Noise Solo at ZDB Lisbon (Luís Lopes Records)
Enregistrement : 2011-2012. Edition : 2013.
LP : A/ I - B/ II
Luc Bouquet © Le son du grisli

17 février 2014

Ivo Perelman : Enigma / A Violent Dose of Anything (Leo, 2013)

ivo perelman enigma

En acceptant la saccade que lui impose d’emblée Matthew Shipp, Ivo Perelman sait qu’il lui faudra jouer collectif. Celui qui ouvrait son souffle en des espaces souvent narcissiques n’a d’autre choix que de faire s’entrecroiser les lyrismes. Et le fait de s’entourer de deux batteurs (Whit Dickey, Gerald Cleaver) participe sans doute du même principe : se rapprocher sans faire masse, lester les ardeurs sans tomber dans le trop plein.

Bien sûr, Perelman reste toujours Perelman : le phrasé est tortueux, cassé-soyeux ou en apesanteur-attente. Sans envol, le voici frôlant parfois le Sun Ship de Trane, disque de référence d’un pianiste, ici inventif et particulièrement habile. On le voit, les ombres et les protecteurs du passé ne sont jamais loin, le double jeu des deux percutants n’étant pas sans rappeler la polyphonie d’un Rashied Ali. Après tant de disques se ressemblant comme deux gouttes d’eau (ce qui n’enlève en rien leur qualité), Ivo Perelman retrouve une épaisseur, ici, particulièrement réjouissante.

Ivo Perelman, Matthew Shipp, Whit Dickey, Gerald Cleaver : Enigma (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ Enigma 02/ Irresistible Incarnation 03/ Annunciation 04/ Supernatural Life 05/ Return to Nature 06/ Ritual 07/ Gentle As a Fawn 08/ A Bourgois Ideal
Luc Bouquet © Le son du grisli

ivo perelman a violent dose of anything

La boulimie excessive d’Ivo Perelman finirait-elle par lasser l’auditeur-chroniqueur ? Ou, plus exactement, attendait-on trop de cette rencontre Perelman-Mat Maneri ? Le violoniste ici excessivement effacé ne trouve que rarement chaussure à son pied. Les systématiques contrepoints des uns et des autres sentent le réchauffé, l’autocitation. Face au couple Perelman-Shipp, Maneri échoue à trouver sa place. Et quand les particules semblent se fixer, quand l’écoute se fait réelle, elle se refuse à tout avenir. Les plus radicaux diront ratage. Les plus bienveillants diront déception.

Ivo Perelman, Matthew Shipp, Mat Maneri : A Violent Dose of Anything (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ Brasilia 02/ Pedro 03/ Virginia 04/ Lucas 05/ Jeus, el vasco 06/ Cristalina 07/ Bia 08/ Sao Joao del Rei
Luc Bouquet © Le son du grisli

13 janvier 2014

Postmarks : National Parks (Monotype, 2013)

postmarks national parks

S’ils s’inspirent ici de cartes de parcs nationaux étasuniens éditées dans les années 1930 et 1940 – à chacun ses partitions –, le saxophoniste Boris Hauf et le pianiste D Bayne ont fait le voyage jusqu’à Vienne pour que Martin Siewert enregistre leur projet – l’Autrichien pourra d’ailleurs y intervenir à la guitare ou à l’électronique.

Un saxophone lent, de timides et défaites notes de piano et un larsen qui traîne : voilà pour l’ouverture, ballade en disgrâce qu’est Bandelier National, qui ne communiquera pas sa nonchalance aux pièces qui la suivront. C’est que le pianiste en a autrement décidé : emprunté, voilà qu’il abuse d’interventions accessoires, arpèges rabâchés ou fuites sans idées. Et comme Hauf lui emboîte le pas tandis que Siewert n’est pas loin de se taire, nous voici impatients d’en finir.

écoute le son du grisliPostmarks
Bryce Canyon at Dawn

Postmarks : National Parks (Monotype)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Bandelier National 02/ Big Thicket 03/ Bryce Canyon at Dawn 04/ Hubbell Trading Post at Dusk 05/ Fossil Butte 06/ Gila Cliff Dwellings 07/ Hubbell Trading Post at Dawn 08/ Capitol Reef at Dusk 09/ Bryce Canyon at Dusk 10/ Capitol Reef at Dawn
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

26 février 2014

Jean-Luc Guionnet, Eric La Casa, Philip Samartzis : Stray Shafts of Sunlight (Swarming, 2013)

jean-luc guionnet eric lacasa philip samartzis stray shafts of sunlight

Des extraits de concerts datant du printemps 2007 (Munich, Berlin, Hambourg, Venise, Grenoble et Montreuil) permettent à Jean-Luc Guionnet, Eric LaCasa et Philip Samartzis, de prolonger les effets d’un Soleil d’artifice enregistré à la même époque.

La lumière a quelque chose à voir – un aigu qui perce et résiste, une voix inquiète de détails, des notes d’alto refoulées qu’une sonde cherche, dans le corps de l’instrument, à récupérer, quelques moteurs branlants, des enregistrements de phénomènes naturels qui déposent plus qu’ils n’érodent, d’autres notes de saxophones, longues cette fois, parasitant une électronique de mitraille – et même à réfracter : les sous-bassement tanguent si, à la surface, les musiciens ne trahissent aucun remous.

Voilà pourquoi leur promenade en sons donnés et paysages réinventés ajoute à l’irréalité des choses, voire, puisque l’association est ingénieuse, à la poignante vérité des choses abstraites.  

Jean-Luc Guionnet, Eric La Casa, Philip Samartzis : Stray Shafts of Sunlight (Swarming / Metamkine)
CD : 01/ - 02/ - 03/ -
Enregistrement : mai-juin 2007. Edition : 2013.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

6 mars 2014

Anna Kaluza, Artur Majewski, Rafal Mazur, Kuba Suchar : Tone Hunting (Clean Feed, 2013)

anna kaluza artur majewski rafal mazur kuba suchar tone hunting

Deux souffles (Anna Kaluza, Artur Majewski) ne pouvant s’éloigner, une rythmique (Rafal Mazur, Kuba Suchar) tournoyante : on connait cela. Le free jazz est passé par là : il repassera.

La qualité de ce quartet polonais réside dans son entêtement. Ici, à part un solo de batterie sans grande importance, rien ne se détourne. Tout se joue dans cette systématique du 2 + 2. Et ces deux entités jamais ne se croisent, jamais ne se questionnent, jamais ne s’évaluent. Que l’esthétique porte les stigmates de la new thing ou que l’improvisation libre s’en mêle, jamais les premiers ne semblent se soucier des seconds. Il y a donc ici un territoire borné, obstiné, buté, quadrillé. Et pourtant il y a Complete Communion. Il y a les effluves d’un vieux free jazz bougeant encore. Et puis, il y a ces souffles croisés aux forts soupçons d’inabouti, d’inachevé. Une fois de plus, préférer les amorces aux résolutions n’est pas interdit.

Anna Kaluza, Artur Majewski, Rafal Mazur, Kuba Suchar : Tone Hunting (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Track 1 02/ Track 2 03/ Track 3 04/ Track 4 05/ Track 5
Luc Bouquet © Le son du grisli  

31 mars 2014

Criticon Duo : How to Get A Cold (NOPLYN, 2013)

criticon duo how to get a cold

Comme son nom l’indique, Criticon Duo est une rencontre tchéco-espagnole. Le premier est trompettiste (doué à l’objet) : Petr Vrba. Le second est saxophoniste (doué à l’objet aussi, et qui touche à l’électronique malgré la mise en garde de ses parents) : Tomas Gris. A Prague (Praha), ils ont été enregistrés l’an passé.

Quand on pense aux efforts d’Adolf Sax pour anéantir les effets de l’asthme, on regrette que Gris ait accepté d’intituler l’enregistrement How To Get A Cold (c’est en effet un état aggravant). Forcément, il y a sur le CD beaucoup de courants d’air et, en plus, nous voilà dès le début coincés dans l’un ou l’autre des deux conduits. Comment faire alors ?

Au début, on craint l’échange réductionniste de trop (autrement dit : de rien), post-Dörner vs. post-Butcher, mais le duo est assez malin (ou inconscient) pour contrer nos attentes. Et fiiouuu... c’est du vent dans du papier à cigarette et des grattements comme on en rêvait. Enrhumé maintenant, comme contents nous sommes ! 

Criticon Duo : How To Get A Cold (NOPLYN)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ School 02/ The Phantom of John Ford 03/ Back Potatoe
Pierre Cécile © Le son du grisli

24 avril 2014

Aki Takase / La Planète : Flying Soul (Intakt, 2014)

aki takase louis sclavis la planète flying soul

Avec de tels invités (Louis Sclavis, Dominique Pifarély, Vincent Courtois), les compositions d’Aki Takase prenaient le risque de se perdre dans les ruses d’une « certaine tradition française ». Debussy, Ravel, Dutilleux passés à travers le moule de l’improvisation : merci, on a déjà donné et on préférera toujours les originaux à ses dévoués (?) contemplateurs.

Ici, l’écueil n’est pas toujours évité et la fin du disque déçoit quelque peu. Heureusement, des traits empreints de violences, un archet soutenu et exaltant (belle prise de bec Takase-Pifarély), une forme obsédante ne voulant pas s’effacer, des mouvements en déséquilibre, auxquels il faut ajouter le jeu toujours impulsif de la pianiste, finissent par convaincre du bien fondé de la nouvelle aventure de Dame Takase.

écoute le son du grisliAki Takase
Flying Soul (extraits)

Aki Takase / La Planète : Flying Soul (Intakt / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2014.  
CD : 01/ Into the Woods 02/ Rouge Stone 03/ Wasserspiegel 04/ Onigawarau 05/ Finger Princess 06/ Morning Bell 07/ Turtle Mirror 08/ Reading 09/ Intoxication 10/ Schoolwork 11/ Flying Soul 12/ Tarantella 13/ Twelve Tone Tales 14/ Moon Cakes 15/ Pièce for « la planète »
Luc Bouquet © Le son du grisli

2 mai 2014

Pierre-Alexandre Tremblay : La marée (Empreintes DIGITALes, 2014)

pierre-alexandre tremblay la marée

Sur La rupture inéluctable, la première des pièces de ce double CD, Pierre-Alexandre Tremblay ne raconte pas notre histoire, mais j’y vois des coïncidences. Un homme (le soliste ?) seul face à des haut-parleurs. En 2011 (c’est l’année de la composition). Une clarinette basse (celle d’Heather Roche) lui lance un appel. Il ne bouge pas. Une deuxième basse, maintenant, sur la première. Cela lui rappelle un air folklorique, ou plutôt (il hésite, maintenant), une composition de Braxton. L’acoustique contre les schémas électroniques, l’homme contre la machine. Un homme seul face à des haut-parleurs qui l’envoutent.

Je remercie Pierre-Alexandre Tremblay pour La rupture inéluctable et pour Mono No Aware, ses pièces les plus récentes. Dans Mono No Aware, je vois d’autres coïncidences. Dans ces rubans de sons qui m’encerclent et tournent. J’entends en eux la corne de brume de la table de Babel de Jean-François Laporte, mais elle est multipliée. Je cherche d’où vient l’appel et me tourne dans l’autre direction.

Comme je ne vois pas des coïncidences dans tout ce que j’entends, je passerais à côté des trois autres compositions : Le tombeau des fondeurs, où le piano Baschet-Malbos de Sarah Nicolls sonne des cloches électronique, Still, Again, où la soprano Peyee Chen fait face à un désordre électronique aussi, et Un clou, son marteau, et le béton, où Sarah Nicolls revient au piano pour un exercice romantique que mon pauvre cœur ne peut souffrir… C’est le hasard des coïncidences et le vouloir des compositions. Deux, pour moi, coïncidaient.

écoute le son du grisliPierre-Alexandre Tremblay
La marée (extraits)

Pierre-Alexandre Tremblay : La marée (Empreintes DIGITALes)
Edition : 2014.
CD1 : 01/ La rupture inéluctable (2011) 02/ Le tombeau des fondeurs (2008) 03/ Mono No Aware (2013) – CD2 : 01/ Still, Again (2012-13) 02/ Un clou, son marteau, et le béton (2008-2009)  
Héctor Cabrero © Le son du grisli

16 mai 2014

Umpio, irr. app. (ext.) ‎: Observation Affects The Outcome (Monochrome Vision, 2013)

umpio irr

A la toute fin de l’année dernière, sortait ce disque à la drôle de pochette grise et noire, de deux formations aux noms encore inconnus de moi : Umpio (derrière lequel se cache un certain Pentti Dassum) et irr. app. (ext.) (qu’a imaginé Matthew Waldron, Californien qui a collaboré avec Nurse With Wound ou Stilluppsteypa).

Sur la pochette du CD, on lit que le premier joue dans les groupes Astro Can Caravan et Kroko et qu’il a baptisé la musique qu’il fait seul « Junkyard Elektroautistix ». Et alors, me direz-vous ? Eh bien, c’est que ce « Junkyard Elektroautistix » correspond parfaitement à ce qu’on trouve sur cette collaboration qui entremêle dark ambient et noise. Voilà ce que c’est que d’opposer deux autistes sonores : malgré leur hantise, ils finissent par se toucher. L’Observation affectant The Outcome, voilà qu'ils accouchent de monstres faméliques dans tous les coins !

Umpio, irr. app. (ext.) ‎: Observation Affects The Outcome (Monochrome Vision)
Enregistrement : 2011-2012. Edition : 2013.
CD : 01-05/ Part I – Part V
Pierre Cécile © Le son du grisli

8 juin 2014

Scott Fields, Jeffrey Lapendorf : Everything Is in the Instructions (Ayler, 2013) / Sharp, Fields : Ostryepolya (Pan Rec, 2013)

scott fields jeffrey lapendorf everything is in the instructions

Par sa tessiture pentatonique sans demi-tons, le shakuhachi semble condamné aux terres apaisantes. Ici, Jeffrey Lapendorf ne déroge pas à la règle. Sa flûte rejette le sombre, accoste des azurs sans nuages, pointe et infiltre des harmonies scintillantes.

La guitare acoustique de Scott Fields aura beau convoquer des accordages défaillants, empoisonner le très peu de son jeu, il ne pourra jamais assombrir le tableau. Tableau que tous deux ont choisi d’argumenter de leurs pastels secs et aimants. En témoigne cette tendre et soyeuse version de la Naima de John Coltrane clôturant ce docte enregistrement.

écoute le son du grisliScott Fields, Jeffrey Lapendorf
She Comes from Nowhere

Scott Fields, Jeffrey Lapendorf : Everything Is in the Instructions (Ayler Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ She Comes from Somewhere 02/ Terror Babies 03/ Objects in Relation to Other Objects 04/ Oh, Yes 05/ The Politics of Solitude 06/ Tip Bloused 07/ Advice for Some Young Man in the Year 08/ Naima
Luc Bouquet © Le son du grisli

elliott sharp scott fields ostryepolya

Enregistrés (et filmés) le 26 mai 2009 (Loft de Cologne) et le 5 mars 2010 (Nozart Festival, même ville), Elliott Sharp et Scott Fields s'interprètent (car, sur pupitres, des partitions traînent). De l'improvisation de jadis et de l'invention possiblement écrite, rien ne subsiste. Deux guitares acoustiques se répondent quand elles ne s'ignorent pas ; brassent non plus à contre-courant mais avec, et comptant beaucoup sur lui. Même le public attend qu'on lui donne le droit d'applaudir.

Elliott Sharp, Scott Fields : Ostryepolya (Pan Rec)
Enregistrement : 2009-2010. Edition : 2013.
DVD : 01/ Branedrance 02/ Betweeln Octopus and Squid 03/ Big, Brutal, Cold Raindrops 04/ Minerali 05/ Shuffle Through the Restaurateur Gauntlet 06/Douabula 07/ Pur Your Pennes in My portuguese Cork Hat 08/ Doubleviz 09/ Freefall 10/ Credits
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

2 septembre 2014

Seth Cluett : Forms of Forgetting (LINE, 2014)

seth cluett forms of forgetting

L’artiste touche-à-tout qu’est Seth Cluett (qui cite La mémoire, l’histoire, l’oubli de Paul Ricœur, pourquoi pas…) pose sur ce CD « Chartier » la question du souvenir, de ce que l’on retient et de ce que l’on oublie. Et si oublier c‘est un peu « faire disparaître » (c’est pas du Ricœur mais du moi qui invente), que retenir de l’écoute (des écoutes, pour les forcenés) de Forms of Forgetting ?

Eh bien, j’ai le regret de l’avouer… le meilleur de ce qu’il m’a été donné d’entendre dans le « genre drone » ces derniers temps. Et si j’ose chronologiquer la claque, c’est que ces naaappes et re-naaaappppppeeeees emberlificotées, passées les vingt premières minutes, vous tournent la tête avant de s’inviter en vous (oui, j’ai bien dit « en »… de ces trucs qui vous remuent & qui remuent « en » vous). Aujourd’hui, nous nous accorderons (vous & moi) sur ce fait : les drones, ça court les rues (et les déserts, j’en parle pas). Mais ceux de Cluett ne cachent pas leur intentions et vous font même gagner une heure : de temps, d’enivrement, de musique, à votre guise !

Seth Cluett : Forms of Forgetting (LINE)
Edition : 2014.
CD / DL : 01/ Forms of Forgetting
Pierre Cécile © Le son du grisli

21 avril 2012

Joseph Jarman, Don Moye : Black Paladins (Black Saint, 1979)

joseph_jarman_black_paladins

Ce texte est extrait du troisième volume de Free Fight, This Is Our (New) Thing. Retrouvez les quatre premiers tomes de Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par Camion Blanc.

En 1979, Joseph Jarman et Don Moye échappèrent à l’Art Ensemble of Chicago le temps de l’enregistrement d’un disque : Black Paladins, sur lequel on peut aussi entendre Johnny Dyani  (cet étrange featuring centré sur la couverture). Le titre du disque reprend celui d’un de ses morceaux, qui reprend lui-même celui d’un poème d’Henry Dumas.

De Dumas, on sait la vie brève, à laquelle mit un terme un officier de police dans le métro de New York, et le parcours, fulgurant pour être coincé entre deux dates rapprochées (1964 et 1968), d’activiste du mouvement des droits civiques et de poète inspiré par le jazz. Deux ans après sa mort, Joseph Jarman renversait la chose en récitant « Black Paladins ».

We shall be riding dragons in those days
Black unicorns challenging the eagle
We shall shoot words
With hooves that kick clouds
Fire eaters from the sun
We shall lay the high white dome to siege
Cover sreams with holy wings, in those days
We shall be terrible.

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Deux fois, Jarman dit le texte – la seconde fois, son débit est plus rapide. Alors, il peut défendre sa composition, qui ouvre la seconde face du vinyle : un gimmick de contrebasse ouvre le champ dans lequel le saxophone baryton se rue bientôt. L’heure est à la virulence, mais la virulence est ici contenue : les musiciens profitent de l’espace qui leur est imparti et même peuvent rétablir un swing qui ne rendra pas leur hommage moins poignant. Dans les notes qu’il rédigea pour As If It Were The Seasons – présentées par Jean-Pierre  Moussaron au dos de l’édition française de cette référence Delmark –, Jarman écrit pour expliquer les activités de l’AACM à laquelle il appartient : « Nous sommes conscients du pays (L’AMERIQUE) et de l’état d’esprit, de ce que cela fait à l’être humain, aussi nous abstrayons-NOUS. » Ici aussi, l’affaire est d’abstraction philosophique : le retour sur soi et la réflexion opposés aux usages du monde.

L’appel au détachement pourrait faire craindre qu’une certaine indulgence, une « gentillesse » voire, s’impose au propos, d’autant que les deux premiers titres de Black Paladins, « Mama Marimba » de Dyani et « In Memory of My Seasons » de Jarman, ne sont guère féroces : perdu dans un magasin d’instruments – là, trouver saxophones et flûtes, batterie et piano, mais aussi coquillages et sifflets –, le trio délite son invention dans un exotisme bon enfant ou en atmosphère évasive dont l’Art Ensemble of Chicago se repaîtra jusqu’à la parodie. Il faut ainsi attendre « Humility in the Light of the Creator », relecture d’un thème de Kalaparusha (Maurice McIntyre) pour que le disque prenne de l’ampleur – et prouve qu’abstraction n’est pas abstention.

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Ce n’est que là que Jarman, Moye et Dyani, enfourchent les dragons que Dumas appelait de ses vœux. Derrière le saxophone grave, l’archet de contrebasse joue les dérangés tandis que la batterie emporte les ressemblances de l’atmosphère du titre avec celle d’« Alabama » pour en faire un autre morceau de gravité profonde au point d’en être insaisissable.

We shall be riding dragons in those days (…) We shall be terrible. Deux fois, Jarman dit le texte. C’est alors « Ginger Song », sur lequel un sopranino cette fois trouve son équilibre sur le tumulte rythmique, et à grande vitesse en plus, puis « Ode to Wilbur Ware », respects adressés par Moye à celui qui fit de la contrebasse une percussion immense. Un gimmick y tourne en boucle et fait tourner avec lui archet, flûtes puis clarinette basse : les interventions se meuvent autour de l’idée musicale comme autant de satellites. Ce retour à la musique des sphères serait un des moyens qu’a trouvés Jarman de s’abstraire. Dans les notes du même As If It Were The Seasons, il regrette seulement : « Mon ami, si seulement tu pouvais être ici pour entendre cela sur le vif – réellement – et non cette machine. »

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7 janvier 2015

Robert Curgenven : They Tore the Earth and, Like a Scar, It Swallowed Them (Recorded Fields, 2014)

robert curgenven they tore the earth and like a scar it swallowed them

Je vais vous faire part d’une expérience qui n’est pas donnée à tout le monde (du moins c’est ce que je crois) = commencer un disque par sa face B. Après Built Through (avec Richard Chartier), ce ne sont pas les premières bourrasques de They Tore the Earth… (mastered by Rashad Becker !) qui m’écarteront du chemin de Robert Curgenven. Oui,  mais une fois passées les bourrasques ?

Mon tort est d’avoir entendu la claque finale dont la première face ne cessera pas de me menacer ensuite (à plus ou moins « sons couverts »). Mais bon, plongé dans les crépitements et les cercles de feu, je dégusterais les field recordings (enregistrés en Australie entre 1999 et 2010), la basse & l’orgue & les turntables… de la face A au point de vouloir me replonger une nouvelle fois dans la B. Ce qui me fera respecter en plus le storytelling (2 scènes par face) écrit par Curgenven.

Et là, surprise, le flip-trip est plus impressionnant encore. Tellurique et engloutissant, comme le promettait le titre du LP. Comme d’autres, Curgenven aurait-il décidé de mettre ses field recs au profit du côté obscur de la force (tellurique) ? Pour me rassurer, la prochaine fois que j’écouterai The Tore the Earth, je recommencerai par la face B. Intriguant, non ?

Robert Curgenven : They Tore the Earth and, Like a Scar, It Swallowed Them (Recorded Fields)
Edition : 2014.
LP : A1/ Scene 1. Scattered to the Wind, the Fortunate A2/ Scene 2. Only the Dogs And the Fires On the Horizon – B1/ Scene 3. The Heat at Their Necks B2/ Scene 4. And When the Storm Came, They Were the Storm
Pierre Cécile © Le son du grisli

nww 33

14 janvier 2015

Louis Moholo-Moholo : 4 Blokes (Ogun, 2014)

louis moholo-moholo 4 blokes

Enregistré en studio le 12 novembre 2013, 4 Blokes marquerait la naissance d’un quartette emmené par Louis Moholo-Moholo, entendu plus tôt au Café Oto. A l’intérieur : Jason Yarde (remarkable saxophonist déjà de l’Unit du batteur), Alexander Hawkins (fougueux pianiste de Keep Your Heart Straight) et John Edwards.

Marquée par le souvenir des jeunes années du meneur (For the Blue Notes, Angel-Nomali, Tears for Steve Biko), la rencontre débute au son d’un Parisian Thoroughare transposé sur autoroute par les courts motifs que répètent Hawkins et Yarde – portés par la contrebasse et la batterie, la paire signera de beaux moments de connivence.

Ainsi, l’énergie préside-t-elle à la séance, dont profiteront Something Gentle (composition de Yarde) ou 4 Blokes (improvisation du groupe) mais qui pourra affranchir le lyrisme du pianiste : son jeu plombe alors Mark of Respect. Repli, donc, en mélancolies : un air de Dudu Pukwana et la reprise de Something Gentle rétablissent l’harmonie prometteuse.

Louis Moholo-Moholo Quartet : 4 Blokes (Ogun / Orkhêstra International)
Enregistrement : 12 novembre 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ For the Blue Notes 02/ Something Gentle 03/ All of Us / Khwalo 04/ Mark of Respect 05/ Tears for Steve Biko 06/ 4 Blokes 07/ Yes Baby, No Baby 08/ Angel-Nomali 09/ Something Gentle (Reprise)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

27 janvier 2015

Achim Wollscheid, Bernhard Schreiner : Calibrated Contingency (Baskaru, 2014)

achim wollscheid bernhard schreiner callibrated contingency

C’est en 2011 à Graz, sur deux ordinateurs (plus une radio & un micro unidirectionnel), qu’Achim Wollscheid (qui a collaboré avec Merzbow ou Asmus Tietchens, apprendrais-je) et Bernhard Schreiner ont improvisé cette pièce de trois quarts d’heure retravaillée en studio.

Chacun en charge d’un bout de la stéréo et séparés par un mur devant l’audience, les deux hommes se sont donc revus pour accoucher d’une grande pièce architecturale, spectrale et même peut-être bien… spatiale. Le hic c’est que, la fusée, c’est en fait une invention d’une autre (voire révolue) époque, et que sa progression sonne assez creux. Les paliers de drones, les vents synthétiques, les voix radiophoniques, etc., sont des effets rebattus. On préférera donc, par exemple, retourner à Pierre Henry : avec lui, au moins, on voyage dans le temps.



Achim Wollscheid, Bernhard Schreiner : Calibrated Contingency (Baskaru)
Enregistrement : 2011. Edition : 2014.
CD : 01/ Calibrated Contingency
Pierre Cécile © Le son du grisli

21 juin 2015

Han-Earl Park, Catherine Sikora, Nick Didkovsky, Josh Sinton : Anomic Aphasia (Slam, 2015)

han-earl park catherine sikora nick didkovsky josh sinton anomic aphasia

Pris en étau entre les feux croisés de deux guitaristes allumés (Han-earl Park, Nick Didkovsky), le saxophone ténor de Catherine Sikora combat pour exister. Situation épineuse pour une improvisatrice en attente de parole. Détectant la fatigue des deux lascars, la voici se révélant : phrasés rêches et coriaces, parfois solitaires et toujours infectant une plaie, désormais forée en commun. Ceci pour le trio Park-Didkovsky-Sikora.

Le dialogue semble plus aisé, plus fluide, quand s’éloigne Didkovsky et que se rapproche Josh Sinton (saxophone baryton, clarinette basse). Emballements des deux souffleurs, crises soniques et grésillantes du guitariste, ténor flirtant la soie ou s’égosillant sans compter : ces trois-là s’accordent en lamentations et souffrances perverses. Ceci pour le trio Park-Sikora-Sinton.

Han-earl Park, Catherine Sikora, Nick Didkovsky, Josh Sinton : Anomic Aphasia (Slam)
Enregistrement : 2013. Edition : 2015.
CD : 01/ Monopod 02/ Pleonasm 03/ Flying Rods 04/ Hydraphon 05/ Stopcock
Luc Bouquet © Le son du grisli

john coltrane luc bouquet

17 février 2016

VA AA LR : Polis (Intonema, 2015)

va aa lor polis

Techniciens compétents, Vasco Alves, Adam Asnan et Louie Rice – ainsi donc : VA AA LR – ne s’interdisent pas d’avoir ici ou là recours à la bricole. Dans les pas des musiciens que le second publie sur Hideous Replica (Lucio Capece, Birgit Ulher, Kurt Liedwart ou encore, et même davantage peut être, Coppice), le trio  enregistrait récemment Polis.

Un peu plus d’une demi-heure d’une électroacoustique épatante : où des graves imposants évoluent sur constructions pneumatiques et, en se frôlant, font des étincelles ; où les bruits enregistrés d’un chantier font jeu égal avec une poésie polyglotte – que le Portugais tire à lui puisque le travail est né d’installations montées dans les rues de Porto et Serralves ; où une basse, enfin, claque en suivant le parcours d’une bille lancée sur roulette avec de bercer sur deux notes les cris d’une cour de récréation. Et si les field recordings de notre trio d’initiales sont d’un commun universel, son invention électronique se charge de les sublimer. 



polis

VA AA LR : Polis
Intonema / Metamkine
Enregistrement : mai-juin 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Polis
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

3 mars 2018

Birgit Ulher : Matter Matters (Hideous Replica, 2017)

birgit ulher matter matters

Matter Matters donne trois fois à entendre l’interprète que peut décider d’être Birgit Ulher. En concert, à chaque fois, elle rend une composition personnelle (Traces), une autre de Christoph Schiller – avec lequel elle enregistra Kolk il y a quelques années – (From Die Schachtel) et une dernière qu’elle co-signe avec Michael Maierhof – fidèle partenaire avec lequel elle signa Nordzucker et Stark Bewölkt – (Splitting 21).

La première composition est la sienne, installation commandée par le Goethe Institut de Chicago dont la partition est glissée dans la pochette du disque. La trompette n’est pas le seul instrument qu’on y entend : radio, enceintes et objets y ont aussi leur note à dire. Intervenant, les enregistrements (cliquetis divers, sciages succincts, remuements sourds, crécelles de tailles différentes…) semblent tirer du pavillon des notes longues, des souffles blancs sinon quelques éléments de ponctuation. Le paysage est de reps, dont les reliefs changent selon la seconde qu’il est. 

L’allure – si l’on peut dire – est plus volontaire sur les deux autres pièces : prise encore de tremblement, la trompette trace une ligne-horizon qu’elle abandonne soudain pour le vertige des hauteurs du théâtre musical qu'est Die Schachtel ; ensuite, elle dévisse (et, à l’occasion, vocalise) à force d’insister face à l’opposition de crépitements ou de signaux aigus sur Splitting 21. C’est ainsi à chaque fois un instrument dont il faut sortir des sons avec minutie contre un échantillon de bruits préalablement enfermés. Autrement peut-être – « peut-être » puisqu’elle joue de contrastes, qu’elle interprète ou improvise –, Birgit Ulher développe son singulier « art des bruits » à force de nouvelles déviations instrumentales. 

birgit ulher matter matters 125Birgit Ulher : Matter Matters
Hideous Replica, 2017.
CD
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

9 décembre 2016

Black Bombaim & Peter Brötzmann (Shhpuma, 2016)

black_bombaim_peter_br_tzmann

Que ce disque sorte sous étiquette Shhpuma et non Clean Feed atteste sa nature hybride – c’est là, sorti de Last Exit et plus récemment d’enregistrements avec Keiji Haino et Jim O’Rourke (Two City Blues) une nouvelle embardée de Peter Brötzmann en milieu « rock ».

Black Bombaim est un trio guitare / basse / batterie portugais qui court après l’épaisseur : ici sur un air de rock progressif, là de post-rock remonté, ailleurs encore de metal valable. Arrimé au Brötzmann, on pourrait craindre qu’il tourne en rond – c’est quand même quelques fois le cas, mais on dira alors l’ennui « psychédélique » – ou ne soit là que pour offrir au saxophoniste une nouvelle heure de liberté obligée, une autre promenade dans la cour, toujours la même, même si la couleur de ses murs change parfois.

Or Black Bombaim sait éviter la plupart des pièges qu’on lui tend et, en conséquence, contredit les attentes. Mieux, il parvient à tenir la dragée haute à son aîné : la guitare de Ricardo Miranda, agacée peut-être par ses sombres vocalises (ses râles, aussi), jouant de rivalité autant que d’invention sur la troisième partie de l’enregistrement. C’est donc là une rencontre comme une visite, entre musiciens de générations différentes, qui vaut d’avoir été organisée.

Black Bombaim, Peter Brötzmann : Black Bombaim & Peter Brötzmann
Shhpuma / Orkhêstra International
Edition : 2016.
CD / LP : 01-04/ Part I – Part IV
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

7 décembre 2016

Celer, Dirk Serries : Background Curtain (Zoharum, 2016)

celer dirk serries background curtain

Trois notes, il n’en faut pas plus à Celer et à Dirk Serries (Fear Falls Burning, Vidna Obmana) pour commencer une collaboration qui s’avèrera fructueuse. Du Japon du premier à la Belgique du second, les bandes ont dû faire plusieurs fois le voyage, certain !, et il est donc plutôt normal de dire de ces deux plages sont… sidérales.

La première (Above/Below) n’est d’ailleurs (en plus) pas loin d’être sidérante. Ses surplus de couches dévident des câbles de sons qui débordent du chemin des ondes et du chemin des drones. La deuxième (Below/Above) n’est pas la première qu'on aurait passée à l’envers, non. Elle s’en démarque au contraire par son côté « concret » (on peut presque y déceler les instruments qui ont servi à son interprétation : une guitare au bottleneck et un son du genre harpsichord). Moins paisible mais diantrement efficace quand même. De quoi diversifier le propos ambientique de deux maîtres du genre.

Celer, Dirk Serries : Background Curtain
Zoharum
Edition : 2016.
CD : 01/ Above/Below 02/ Below/Above
Pierre Cécile © Le son du grisli

1 décembre 2016

Monopium / K. : Nightclubbing / Die Wölfe Kommen Züruck (Zoharum, 2016)

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J’étais à deux doigts de me passer un bon petit Steppenwolf (c’était dimanche) quand je suis tombé sur ce disque Zoharum (oui, j’ai souscrit un abonnement). Comme le label sort de belles choses cet an-ci, j’ai mis ce CD à la place du vieux groupe, c’est-à-dire deux groupes que le label défend depuis qu’il a été lancé : Monopium et K.

Bizarre bizarre, j’entends toute une cour de récréation d’école s’ébrouant à un concert (qu’on imagine) donné dans la salle des fêtes qui la jouxte. Un genre de groupe de post-neo-kraut-indus-coldwave bien tendu en pleine balance bien tendue elle aussi. C’est donc ça le Monopium ? Jusqu’ici inconnu au bataillon (pour ma part), le groupe m’a fait forte impression,comme une mixture tache mais réussie entre Throbbing Gristle et The Fall.

C’est un peu dans le même genre qu’officient les Polonais de K. = trois morceaux présentés en seconde partie de CD. Un bout de batterie straight peut partir, par contre, et ramener le bruit ambiant à son point le plus « musical ».  Pas mal non plus, K. dont je conseille le site pour constater que leur musique (pas mal de samples et de collages) est en perpétuel questionnement. Alors après ???


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Monopium / K. : Nightclubbing / Die Wölfe Kommen Züruck
Zoharum
Edition : 2016/
CD / DL :  01-07/ Monopium / K. : Nightclubbing / Die Wölfe Kommen Züruck
Pierre Cécile © Le son du grisli

 

29 novembre 2016

Heddy Boubaker, Alexandre Kittel : Merci Merci (Un Rêve Nu, 2016)

heddy boubaker alexandre kittel merci merci

Souvenir de la Maison peinte ? En juin dernier, l’endroit de Labarthe-sur-Lèze fermait ses portes à l’improvisation qu’Heddy Boubaker y a longtemps soignée. Ni dernier message adressé de la maison ni chant (improvisé) du cygne, Merci Merci est le duo que forment désormais Boubaker et Alexandre Kittel (déjà remarqué au son du grisli pour son Micro_Pénis).

S’il semble avoir, depuis l’enregistrement, délaissé le synthétiseur modulaire pour les guitares, c’est à cet instrument que l’on trouve encore Boubaker – à l’intérieur, même, recherchant dans ses circuits des rumeurs capables de se glisser entre deux salves de cymbales et d’électronique propulsées par son partenaire.

Les premières secondes, c’est l’espoir d’entendre un Borbetomagus étouffé sous idiophone mais les crépitements et sifflements finissent par avoir raison de l’exercice. C’est alors pour le duo un repli effectué en souffles tressés et en signaux minuscules, les chocs métalliques agaçant l’abstraction de grisailles à laquelle travaille le matériel électronique. Pour être plus libres de leurs gestes, Boubaker et Kittel n’en mesurent pas moins leurs expressions, et c’est là tout le sel de ces deux belles pièces d’improvisation – auxquels font écho Conte et La Cula sur Bandcamp .  

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Merci Merci : Merci Merci
Un Rêve Nu
Edition : 2016.
LP : A/ Longemaison – B/ La grande Baraque
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

29 novembre 2016

Joëlle Léandre, Théo Ceccaldi : Elastic (Cipsela, 2016)

joëlle léandre théo ceccaldi elastic

C’est l’aurore mais c’est une aurore joyeuse : Joëlle L. n’épargne pas son archet, il court intrépide, robuste, rigoureux. C’est le crépuscule mais c’est un crépuscule heureux : Théo C. patiente avant de convoquer l’archet. L’une se balade dans l’immédiat, l’autre prend le temps d’observer. Mais le mariage est évident.

Réactifs, les voici projetés dans le royaume des cordes qui s’aimantent, vagabondent, s’écartèlent, palpitent, propulsent, ondulent, désaxent, cheminent. Douce conversation d’un intime partagé, bienveillance et abandon, art des présences robustes, esprits entiers, montées fiévreuses et poignantes… tout ceci et bien plus encore.

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Joëlle Léandre, Théo Ceccaldi : Elastic
Cipsela

Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ #1 02/ #2 03/ #3 04/ #4 05 /#5 06/ #6  
Luc Bouquet © Le son du grisli

28 novembre 2016

Komitas Vardapet : Six Dances (Makkum Records, 2016)

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Six « danses » interprétées au piano par Keiko Shichijo. Vingt minutes à peine, qui nous rappellent le passage (1869-1935) de Komitas – théologien et musicologue arménien ; chantre, poète, pianiste et donc compositeur. C’est la voix de Komitas qui le fit remarquer de cette église qui lui permettra quand même de toucher au profane, c’est-à-dire à ces airs de la campagne arménienne qu’il retranscrivit sur papier et que l'Empire ottoman allait bientôt faire taire. Musicien et conférencier, Komitas voyagera beaucoup, faisant entendre chants laïcs et danses de sa composition, dont les timbres rappellent les instruments traditionnels arméniens.

C’est à Paris, en 1906, que Komitas écrivit les six danses de cet enregistrement moderne. Pièces d’un folklore réinventé – mais vertueux, étant données les sérieuses recherches du compositeur dans le domaine –, ces pièces rappellent les compositions pour piano de Gurdjieff et Hartmann (le second fera d’ailleurs connaître au premier l’œuvre de l'Arménien) qui, entre traditions turques et kurdes, progressent lentement, jouent avec les répétitions, les modulations et les déclinaisons. C’est donc à la fois un art de la danse appliqué par touches légères et un travail de mémoire inspirant à plus d’un titre qui permet au Makkum d’Arnold de Boer de mettre la main sur d’autres chansons dépaysantes.   

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Komitas Vardapet : Six Dances
Makkum Records
Edition : 2016.
CD : 01/ Yerangi 02/ Unabi 03/ Marali 04/ Shushiki 05/ Het u Araj 06/ Shoror
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

7 septembre 2015

François Carrier, Michel Lambert, Rafal Mazur : Unknowable (Not Two, 2015) / François Carrier, Michel Lambert : iO (FMR, 2015)

françois carrier michel lambert rafal mazur unknowable

Le temps de s’adapter à Rafal Mazur, leur nouvel ami, et François Carrier et Michel Lambert retrouvent les plis et bosses de leur musique serpentée. Rien de neuf dans leur chant non voilé : le saxophoniste module le silence puis attaque sans préavis. Son phrasé empli de zébrures et de soleils éclatés inspire la caisse claire émancipée (sur-mixée ici) de son compère. Quant à la basse acoustique de leur ami polonais, elle se plait à saturer un cercle déjà débordant. Pas facile de temporiser avec ces deux-là, on en convient.

Reste à épingler / questionner le très discutable équilibre de la prise de son ainsi que quelques cuts assez incompréhensibles (un solo de batterie, par exemple, coupé sans aucun ménagement). Plaisir d’écoute souvent gâché ici mais compensé par un free instantané et ne comportant aucune trace de lourdeur ou d’ennui.

François Carrier, Michel Lambert, Rafal Mazur : Unknowable (Not Two Records)
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Listening Between 02/ Insightful Journey 03/ Be Young Beyond 04/ Unknowable 05/ Springing Out 06/ Dissolution
Luc Bouquet © Le son du grisli

françois carrier michel lambert io

Quelques mois plus tôt, François Carrier et Michel Lambert profitaient d'un duo pour réviser leurs classiques : escarmouches bien senties, caisse claire agressive, alto frondeur, caquetages d’hautbois, chants serrés, crochets secs, figures familières. Bref faisaient du Carrier-Lambert. Et le faisaient bien.

François Carrie, Michel Lambert : iO (FMR)
Enregistrement : 2012 & 2013. Edition : 2015.
CD : 01/ IO 02/ Blueshift 03/ Mock Sun 04/ Big Bounce 05/ Superstring 06/ Albedo 07/ Ida 08/ Open Cluster 09/ Nutation
Luc Bouquet © Le son du grisli

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